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On en débat ! | Des propositions du Cercle POLLEN sur la décentralisation

«Faire confiance aux territoires et à leurs élus»


La décentralisation à la française est essoufflée et affaiblit la démocratie. La plus récente loi, finalisée en février 2022 et dite « 3DS » (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), a vu, pour diverses raisons, ses ambitions limitées et n’a finalement apporté que quelques ajustements à la structure actuelle de la décentralisation. Voici la synthèse de notre groupe de travail sur la décentralisation. Un colloque-débat autour de ces propositions est prévu en mars à Bordeaux.

1.     Décentralisation : une réforme nécessaire et impérieuse
1.1.     Constats
1.2.     Enjeux
1.3.     Orientation générale

2.     Répartition des compétences : à désenchevêtrer d’urgence
2.1.     État des lieux
2.2.     Constats
2.3.     Les propositions du Cercle POLLEN

3.     La problématique du bloc communal : renforcer les intercommunalités
3.1.     État des lieux
3.2.     Constats
3.3.     Les propositions du Cercle POLLEN

4.     Les métropoles : à remettre en ordre d’urgence
4.1.     État des lieux
4.2.     Constats
4.3.     Les propositions du Cercle POLLEN

5.     La problématique « Département / Région » : optimiser le fonctionnement du « millefeuille »
5.1.     État des lieux (hors Corse et OM)
5.2.     Constats
5.3.     Les propositions du Cercle POLLEN

6.     Le financement des collectivités : retrouver autonomie et lisibilité
6.1.     État des lieux
6.2.     Constat
6.3.     Les propositions du Cercle POLLEN

7.     Conclusion


1 | Décentralisation : une réforme nécessaire et impérieuse

1.1. Constats

La décentralisation à la française est essoufflée et affaiblit la démocratie. Après deux premières vagues ponctuées de lois majeures (1982-2002 ; 2003-2007), la période des trois derniers quinquennats a été marquée par :

  • lors du quinquennat Hollande, le détricotage des réformes mises en place lors du quinquennat Sarkozy et un redécoupage géographique contesté ;
  • la dégradation progressive du modèle fiscal de financement des collectivités territoriales, caractérisée par une nette diminution de leur autonomie ;
  • une recentralisation rampante des pouvoirs et une complexification accrue des normes applicables.

La plus récente loi, finalisée en février 2022 et dite « 3DS » (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), a vu, pour diverses raisons, ses ambitions limitées et n’a finalement apporté que quelques ajustements à la structure actuelle de la décentralisation.

Au-delà des débats techniques, financiers et juridiques, le ressentiment des populations augmente, nourri par la perception de l’efficacité insuffisante de l’action publique territoriale ainsi que du délitement et de la bureaucratie des services publics.

Parfaitement illustré par l’expression « millefeuille », l’enchevêtrement des compétences des différents niveaux de collectivités est maintenant bien perçu par les citoyens qui sont alors incités à s’abstenir pour des élections locales [1] dont les enjeux devenus peu compréhensibles et à s’en remettre au seul État central.

1.2. Enjeux

Il est donc urgent de se dresser contre le désenchantement démocratique, de redonner du sens à l’action publique, de la simplifier et d’améliorer son efficacité en appliquant plus systématiquement le principe de subsidiarité [2], de façon descendante (via les lois votées par le Parlement) mais également de façon ascendante en permettant aux collectivités de s’organiser entre elles.

La décentralisation n’a de sens que si le citoyen y trouve son compte. Il souhaite être impliqué dans la décision politique dès lors qu’elle correspond à des engagements clairement affichés lors d’élections et qu’elle relève d’élus bien identifiés.

Ce renouveau démocratique ne peut pas faire abstraction du débat public et chaque échelon de collectivité devrait construire ses propres outils de démocratie participative.

1.3. Orientation générale

Le Cercle POLLEN entend affirmer le caractère fondamentalement décentralisateur de la social-démocratie et inscrire cette démarche en cohérence avec le projet européen d’une part, et le rejet sans concession du populisme d’où qu’il vienne, d’autre part.

La situation actuelle est intenable et nécessite des évolutions rapides. L’État est empêché, sans aucune marge de manœuvre budgétaire et englué dans la bureaucratie. La déconcentration, sauf pour les missions régaliennes sur lesquelles l’État doit se recentrer, ne peut pas être une solution envisageable pour rapprocher le citoyen des politiques territoriales [3].

Au contraire, il faut approfondir la décentralisation, sur des bases sincères et dans le respect scrupuleux des principes constitutionnels (art.34 – « la loi détermine les principes fondamentaux (…) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources (…) »).

Il s’agit de faire confiance aux territoires en les relégitimant politiquement, sur la base d’une répartition de compétences clarifiées. Impliquer notamment les territoires et leurs élus dans la transition climatique est indispensable.

Le Cercle POLLEN ne souhaite pas se perdre dans des débats symboliques et improductifs, comme la question du redécoupage régional. Notre Cercle ne souhaite pas non plus approfondir des propositions avec un impact constitutionnel, la perspective d’un consensus politique à court/moyen terme sur ces questions, qui permettrait d’envisager une révision de la Constitution, étant aujourd’hui plus qu’incertaine.

2 | Répartition des compétences : à désenchevêtrer d’urgence

2.1. État des lieux

« Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (…) » : c’est ainsi que l’article L.2121-29 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) formule la clause générale de compétence. Cette formulation était déjà présente dans la loi municipale de 1884. Elle implique que la commune peut intervenir dans toutes les matières qui présentent un intérêt public local dès lors qu’elle n’empiète pas sur des compétences exclusives attribuées par la loi à l’État ou à une autre collectivité territoriale.

Les autres collectivités territoriales disposaient traditionnellement de cette clause générale de compétence, leur permettant de régler par leurs délibérations toutes les affaires relevant de leur niveau. Cependant, depuis la loi du 7 août 2015 (loi NOTRe), cette clause générale de compétence ne bénéficie plus qu’aux communes[4], les attributions des départements et des régions étant désormais limitativement énumérées par la loi.

Le législateur s’est efforcé, depuis le début du processus de décentralisation, de dégager des blocs homogènes de compétences, spécifiques à chaque niveau de collectivité. Ainsi les communes exercent-elles leurs principales compétences en matière d’urbanisme, de logement et d’environnement. Les départements ont la responsabilité de deux grands domaines : l’action sociale (enfance, personnes handicapées, personnes âgées, revenu de solidarité active) et l’aménagement de l’espace (équipement rural, ports maritimes et intérieurs, aérodromes, routes départementales). Enfin, les compétences des régions recouvrent essentiellement le développement économique, l’aménagement du territoire et les transports non urbains.

Mais de nombreuses compétences (sport, tourisme, promotion des langues régionales, éducation populaire, etc.) sont encore partagées entre les différents échelons de collectivités. En matière scolaire, l’enseignement primaire relève des communes, les collèges des départements et les lycées des régions. L’exercice de certaines compétences partagées peut, depuis la révision constitutionnelle de 2003, donner lieu à désignation d’une collectivité « chef de file », chargée d’organiser les modalités de l’action commune de plusieurs collectivités.

2.2. Constats

Tout ceci dessine un paysage confus et déresponsabilisant pour les collectivités et cette situation n’est pas satisfaisante pour le citoyen :

  1. Dans le cas de compétences partagées, elle obscurcit la responsabilité des politiques menées et empêche finalement d’interpeler de manière démocratique la responsabilité les exécutifs concernés. Le cas emblématique est celui de l’enseignement scolaire, partagé sur le papier entre les communes, les départements et les régions, mais pour lequel l’ensemble du pilotage (gestion des personnels, définition des missions et des programmes) est en réalité effectué par l’État. On peut, au mieux, rechercher la responsabilité d’un exécutif départemental sur le niveau d’entretien des bâtiments du collège, mais évidemment pas sur la réussite scolaire des élèves de ce département.
  2. Dans le cas de compétences théoriquement non partagées, et même quand la répartition de rôles apparaît claire, on peut s’interroger sur les véritables marges de manœuvre des collectivités responsables. Par exemple, peut-on dire que les départements sont responsables du RSA, alors que tous les paramètres de la politique du RSA (financement, règles d’attribution, etc.) sont définies par l’État ?

De manière générale, il y a confusion entre la responsabilité de définir une politique et celle de la mettre en œuvre. Trop souvent, les collectivités territoriales ne sont responsables que de la mise en œuvre, grâce à des ressources allouées par l’État, de politiques définies en réalité par l’État.

Pour rapprocher la décision du citoyen et régénérer le contrôle démocratique, il faut sortir d’une certaine hypocrisie et tenter de désenchevêtrer les compétences.

2.3. Les propositions du Cercle POLLEN

2.3.1 Au-delà de leur compétence générale, qui doit être maintenue mais qui est en partie symbolique faute de moyens, les communes et, le cas échéant les intercommunalités, devraient être responsables principalement des politiques de proximité suivantes :

  • L’urbanisme et le cadre de vie des habitants
  • L’habitat et le logement
  • Les services publics liés à l’habitat (réseaux, collecte des ordures ménagères…)
  • Les transports urbains de proximité
  • La police générale (sécurité publique, tranquillité publique et salubrité publique)

En outre, du fait de sa compétence générale, la commune doit rester fondée à intervenir dans tout domaine qui ne lui est pas interdit, dans la mesure où elle en a les moyens.

En revanche, on devrait s’interroger sur l’utilité de pérenniser d’autres missions dont l’organisation dépend largement d’autres autorités.

2.3.2.  Le département devrait concentrer son action sur l’égalité d’accès aux services publics de base sur tout le territoire

Beaucoup de ces services sont en fait organisés ou régulés par l’État et cette forme de cogestion pose question. Le département et sa structure élue est cependant un échelon indispensable pour assurer l’équité de la répartition de certains services publics sur le territoire. Entrent notamment dans cette catégorie :

  • La distribution des aides à la personne (RSA)
  • La politique d’aide aux personnes âgées
  • La politique d’aide à l’enfance
  • L’accès aux soins de santé
  • La gestion des équipements scolaires, y compris lycées, mais hors universités

A l’occasion de la réforme « France-Travail » où le RSA s’intègre dans un dispositif plus global, on doit s’interroger sur la valeur ajoutée du département dans la distribution de ce type d’aide.

Le département est par contre plus légitime sur l’aide aux personnes âgées et l’aide à l’enfance où les considérations de proximité sont prépondérantes.

En ce qui concerne la santé, la valeur ajoutée du département dans la gouvernance des ARS n’apparaît pas évidente s’agissant d’une structure dont la taille le dépasse : la région semble alors être l’interlocuteur local le plus pertinent de l’État.

La construction et de l’entretien des établissements scolaires mobilisent des ressources administratives et techniques significatives. La répartition actuelle entre communes (écoles), départements (collèges) et régions (lycées) doit être sérieusement réévaluée afin d’améliorer la réactivité et la performance du système. L’organiser avec un échelon de moins semble un objectif réaliste.

Enfin, on doit s’interroger dès aujourd’hui sur le maintien de la gestion d’infrastructures de transport et de certains équipements (ports, aéroports, etc.) au niveau du département alors que la région serait mieux placée pour le faire.

Ces propositions concernant le département sont formulées sans préjudice de celles concernant les métropoles (voir ci-après).

2.3.3.  La région apparaît comme le bon niveau pour mener les politiques structurant le territoire et leur assurant une compétitivité nationale et internationale.

A ce titre, les politiques suivantes devraient être pilotées par les exécutifs régionaux :

  • Transports (routes hors voirie nationale, services publics de transport interurbains)
  • Grands équipements (ports, aéroports…)
  • Développement économique (aides aux entreprises)
  • Formation professionnelle
  • Stratégie d’aménagement du territoire régional (CPER, etc.)

Pour les transports, on doit s’interroger sur l’intérêt de maintenir sous responsabilité départementale la gestion de la voirie non nationale et non communale. Les régions sont déjà chargées de l’élaboration des schémas régionaux des infrastructures et des transports définissant notamment les priorités d’actions en ce qui concerne les infrastructures routières. Des services régionaux des routes ayant autorité sur des services départementaux seraient logiques.

Pour les aides aux entreprises, il conviendrait de recentrer sur les régions cette politique qui actuellement peut être menée également pas les communes et des départements.

Inversement, le subventionnement régulier des activités culturelles et sportives, portées généralement par des associations, devrait être exclu des compétences de la région pour revenir principalement aux communes.

La politique du tourisme, traditionnellement citée comme une compétence partagée, ne semble pas suffisamment individualisée pour pouvoir être attribuée à un échelon particulier.

2.3.4. Outre sa capacité d’animation stratégique, l’État devrait voir son rôle territorial redéfini comme suit :

  1. Compétences de l’État en dernier ressort
  2. Grandes orientations sur l’aménagement du territoire
  3. Organisation et fonctionnement de l’enseignement
  4. Politique de protection du patrimoine et des parcs naturels nationaux
  5. Coordination des moyens d’action dans les situations exceptionnelles

En outre et d’une manière générale, l’État doit, d’une part, continuer de fixer par la loi les règles générales d’intervention des collectivités territoriales pour les compétences qui sont les leurs, et d’autre part, rester garant du respect du droit, avec un contrôle de légalité à revivifier.

  • Compétences qui doivent rester partagées avec des collectivités
  • Cogestion avec les communes de la police générale
  • Partage avec les régions des infrastructures de transport (l’État restant responsable de la voirie nationale) et des grands équipements (l’État restant responsable des ports et aéroport d’intérêt national)
  • Politiques dans lesquelles l’État devrait s’abstenir d’intervenir (hors fixation d’un cadre juridique très général)
  • Formation professionnelle (région)
  • Aides aux entreprises hors aides de droit commun (région)
  • Subventions aux associations culturelles et sportives (hors fédérations nationales) (communes)
  • Politique de la ville (communes)
  • Politique de l’habitat et du logement (communes)
  • Transports de personnes (région)

Ainsi, une répartition plus lisible des rôles doit être mise en place : aux communes les politiques de proximité, aux départements les politiques d’égalité d’accès aux services sociaux, aux régions les politiques de structuration de leur territoire pour leur développement économique et social à long terme. A l’État le rôle de gestionnaires de certaines politiques qui ne peuvent être que nationales et de fixation des règles du jeu pour les politiques locales.

3 | La problématique du bloc communal : renforcer les intercommunalités

3.1. État des lieux

Notre pays compte 34.452 communes (hors Corse et OM). La moitié d’entre elles comptent moins de 500 hab. Cette situation de fractionnement des moyens que l’on peut juger insatisfaisante au regard de la situation des pays voisins ne s’améliore que très lentement.

A quelques exceptions près, toutes les communes sont intégrées dans une intercommunalité (EPCI à fiscalité propre)[5].

Depuis 1982, le scrutin municipal (communes de plus de 1000 hab.) s’effectue à la proportionnelle avec prime majoritaire de 50%. En ce qui concerne les EPCI à fiscalité propre (i.e. partout sauf à Lyon), l’élection des conseillers communautaires s’effectue par « fléchage » sur les listes présentées lors des élections municipales[6].

3.2. Constats

La commune est l’une des seules structures à peu près bien identifiée par les citoyens, tant au niveau du mode de scrutin que des compétences exercées.

L’articulation entre communes et intercommunalités est complexe et ne garantit en aucune façon, bien au contraire, un fonctionnement lisible et efficace de ces collectivités.

3.3.  Les propositions du Cercle POLLEN

Plutôt que d’imposer de façon verticale une réduction du nombre de communes ou une répartition uniforme des compétences dans le bloc communal, le Cercle POLLEN privilégie l’efficacité du fonctionnement de celui-ci en confortant le rôle des intercommunalités.

Ceci passe par :

  • l’élection de l’exécutif des intercommunalités au suffrage universel par un scrutin proportionnel de liste, synchronisé avec le scrutin communal ;
  • le développement et la systématisation des « projets de territoire » visant à une plus grande cohérence des projets et à une meilleure information des citoyens ;
  • au plan financier, la généralisation des plans pluriannuels d’investissements, le versement de la dotation globale de fonctionnement au niveau intercommunal et la systématisation des conventions de partage du produit de la fiscalité foncière, comme suggéré par un récent rapport de la Cour des comptes.

Des schémas de fusion des communes devraient constituer une composante obligatoire des « projets de territoire » débattus par les intercommunalités et les mesures d’incitation devraient être renforcées, notamment au plan financier. En tout état de cause, toute fusion devrait être soumises à une consultation des citoyens concernés.

4 | Les métropoles à remettre en ordre d’urgence

4.1. État des lieux

22 métropoles découlent des lois récentes[7] et correspondent à des réalités démographiques et administratives très hétérogènes[8].

Ces métropoles relèvent de 4 statuts différents : Métropole du Grand Paris (MGP), Aix-Marseille, Grand Lyon et les autres[9].

Seule la métropole de Lyon bénéficie du statut de collectivité territoriale de plein exercice et de la suppression d’une couche du « millefeuille » dès lors que le département du Rhône n’exerce ses compétences qu’en dehors du territoire de la métropole. Celle-ci dispose d’une clause générale de compétence.

Le Conseil de la métropole de Lyon est élu, concomitamment avec les élections municipales mais de façon distincte, au suffrage universel direct sur la base de 14 circonscriptions et avec les mêmes modalités de calcul que les élections municipales.

Au contraire de la métropole du Grand Lyon, la MGP cumule les inconvénients :

  • au plan administratif, dans les départements de la petite couronne, le « millefeuille » comporte un niveau supplémentaire (la MGP se cumule avec les « établissements publics territoriaux », EPCI sans fiscalité propre) ;
  • au plan politique, l’élection de l’exécutif de la métropole fait l’objet de combinaisons politiciennes ; par ailleurs, la capacité d’entraînement du maire de Paris, qui joue le rôle de « tête de gondole », est faible car il est élu au suffrage indirect sur la base d’une population de 2 M hab, à comparer avec d’autres villes-monde dont les gouvernances sont élues au suffrage universel direct (Tokyo / 14 M hab. ; Londres / 9 M hab. ; New-York / 8 M hab. …).

4.2. Constats

La situation des métropoles constitue à l’évidence une anomalie démocratique. Seule la métropole de Lyon bénéficie d’une simplification du « millefeuille » et d’une légitimité politique découlant du suffrage universel.

A l’inverse, les autres métropoles, et singulièrement la MGP, n’ont qu’une légitimité faible, ne serait-ce qu’à cause de leur statut d’EPCI, du mode d’élection et, dans plusieurs cas, de la faible notoriété de leur président comparée avec celle du maire de la ville-centre.

Dans un rapport récent [10], le Sénat présente un bilan du modèle lyonnais qui, au-delà de nécessaires ajustements, apparaît aujourd’hui comme intéressant.

4.3. Les propositions du Cercle POLLEN

Au plan des principes, POLLEN propose la généralisation du modèle lyonnais, mutatis mutandis. Il s’agit donc de confier aux métropoles les compétences exercées par le département et de limiter le champ d’action de celui-ci aux territoires hors de ladite métropole.

Il ne semble pas que les 22 métropoles actuelles [11] puissent justifier d’un tel statut. POLLEN propose de fixer un seuil à 500.000 hab. qui générerait 9 métropoles [12].

S’agissant du mode de scrutin, les questions du nombre de circonscriptions (une ou plusieurs) et de la prime majoritaire (50% ou 25%) peuvent encore se poser.

5 | La problématique « Département / Région » : optimiser le fonctionnement du « millefeuille »

5.1. État des lieux (hors Corse et OM)

94 collectivités (hors Corse et OM) exercent aujourd’hui les compétences traditionnelles des départements et 12 autres (découpage découlant de la loi NOTRe de 2015) exercent celles des régions. Tant au niveau des départements que des régions, on observe une grande hétérogénéité[13] au niveau de la population de ces collectivités.

L’effectif actuel des conseillers départementaux (CD) est de 3938 ; celui des conseillers régionaux (CR) est de 1671.

Les CD sont élus au scrutin majoritaire binominal à deux tours (sauf Paris et Grand Lyon) par canton, suivant le redécoupage de 2013. Les CR le sont au scrutin proportionnel à deux tours, avec prime majoritaire de 25% ; les listes sont séparées en sections départementales et la répartition finale des sièges par liste et par section résulte d’un calcul rationnel mais peu compréhensible.

Les deux scrutins sont synchronisés.

5.2. Constats

Les exemples d’enchevêtrement des compétences ne manquent pas (voir ci-dessus).

De ce fait, l’efficacité du fonctionnement du bloc départemental / régional est loin d’être optimal.

Par ailleurs, la cohabitation d’un scrutin proportionnel pour les régions et d’un scrutin par binôme paritaire pour les départements est devenue illisible pour l’électeur et contribue sans doute à la montée de l’abstention.

Enfin, en ce qui concerne le découpage territorial des régions, héritage du quinquennat Hollande, la taille de certaines régions suscite encore des commentaires[14] mais y revenir conduirait à des débats sans fin passant à côté de la question de l’efficacité globale de l’action publique. Cela conduirait également à cristalliser des revendications identitaires affirmées[15].

5.3. Les propositions du Cercle POLLEN

Le Cercle POLLEN propose d’agir plutôt sur la coordination et la coopération des collectivités et, dans ce cadre, de reprendre l’idée[16] du conseiller territorial, qui aurait vocation à remplacer le conseiller régional et le conseiller départemental et à siéger dans les deux assemblées.

Le projet initial était fondé sur un scrutin uninominal par canton après redécoupage général des cantons. Cette formule n’est plus possible car la nouvelle géographie des régions conduirait à des assemblées régionales pléthoriques [17].

Le scrutin proportionnel, outre son intérêt démocratique lié à une meilleure représentation des diverses sensibilités, permet d’éviter un redécoupage, toujours cible de soupçons de biais partisans et susceptible de recours devant le Conseil constitutionnel.

POLLEN propose un mode de scrutin simple et lisible qui consisterait :

  • à conserver les effectifs actuels des conseils régionaux et départementaux pour éviter toute difficulté juridique ; l’objectif de réduction du nombre d’élus locaux est alors du même ordre que celui prévu initialement (environ 4000 vs. près de 6000) ;
  • à organiser un seul scrutin proportionnel avec des listes séparées en sections départementales (système actuel) et deux calculs de répartition de sièges : pour la région, le mode d’attribution des sièges serait inchangé ; pour le département, calcul à la plus forte moyenne avec prime majoritaire de 25%.

De cette façon, tout conseiller régional siège également dans un conseil départemental. Un conseiller départemental ne siège pas forcément dans le conseil régional, singulièrement s’il ne fait pas partie de la majorité régionale.

En termes de calendrier, POLLEN propose d’organiser le scrutin du bloc intermédiaire en même temps que celui du bloc communal.

6 | Le financement des collectivités : retrouver autonomie et lisibilité

6.1. État des lieux

Les dépenses des collectivités territoriales (CT) représentent 270 Md€, soit environ 20 % des dépenses publiques. Elles sont financées pour 57 % par des prélèvements obligatoires (36 % d’impôt locaux et 21 % d’impôts nationaux affectés), pour 26 % par des subventions en provenance des autres administrations publiques (État, organismes divers d’administration centrale et administrations sociales ou de l’Union européenne), pour 11 %  par des redevances et recettes exceptionnelles et pour 6 % par l’emprunt.

Sur le plan financier, la constitution garantit depuis 1958 « la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». La libre disposition de ressources propres apparaît en effet comme une garantie fondamentale d’une autonomie de gestion et d’une « libre administration ».

 Cependant la décentralisation de 1982-1983 n’a pas beaucoup renforcé l’autonomie financière des CT, qui était assez limitée dans les faits. Et depuis cette époque, cette autonomie va plutôt en diminuant qu’en augmentant. Trois phénomènes sont en effet à l’œuvre :

  • le monopole durable de l’administration de l’État central (la DGFiP) sur la collecte des impôts affectés aux CT, la comptabilisation de leurs recettes et de leurs dépenses, et certaines obligations (placement obligatoire de la trésorerie disponible dans les caisses de l’État, etc.) ;
  •  le remplacement progressif de ressources fiscales dont les CT étaient en mesure de déterminer le taux et parfois l’assiette par des quotes-parts d’impôts nationaux (TVA notamment), que les CT ne maîtrisent plus et qui s’apparentent de plus en plus à un mécanisme de subvention ;
  • la volonté de l’État de maîtriser les ressources et les dépenses des CT dans un contexte de déficit fort des finances publiques.

6.2. Constat

6.2.1. La nationalisation progressive des financements

On est en train d’assister à une substitution assez rapide de ressources décidées au niveau local (les impôts locaux) par des ressources échappant à tout contrôle local (les quote-part d’impôts nationaux, comme la TVA).

Cette évolution a résulté de réformes successives visant à réduire la fiscalité des entreprises et des ménages, sans vision d’ensemble sur la fiscalité locale.

Avant 2010, les réformes fiscales ont eu pour objectif la réduction de la charge fiscale des entreprises et des ménages par l’augmentation des allègements et dégrèvements pris en charge par l’État. Dès la loi de finances rectificative pour 1982, l’État a institué et pris en charge des allègements de la part salaire de la base de la taxe professionnelle. Des allègements pour les ménages et sur la taxe professionnelle, dans le cadre d’une politique économique d’offre, ont progressivement été renforcés. Ainsi, en 2010, la plupart des impôts locaux faisaient l’objet d’allègements ou de dégrèvements compensés par l’État, devenu le « premier contribuable local » : tous étaient liés à des réformes fiscales visant à réduire la fiscalité sur les ménages (taxe d’habitation, taxes foncières) et sur les entreprises (taxe professionnelle).

À partir de 2010, les réformes de la fiscalité ont conduit à la réduction, voire à la suppression progressive d’une large partie de la fiscalité locale : la transformation de la taxe professionnelle, puis la suppression de la taxe d’habitation et la diminution de moitié de la CVAE ont réduit la fiscalité directe de 40 Md€. Seules les taxes foncières permettent aujourd’hui de conserver un pouvoir de taux, concentré au niveau du bloc communal.

6.2.2. La dégradation de la lisibilité du système de financement

60 % des impôts perçus par les CT sont en fait répartis entre plusieurs niveaux de collectivité, qui se partagent donc des fractions des mêmes impôts (principalement TVA, TICPE et TSCA). Le lien entre un impôt donné et un niveau de collectivité n’existe donc pas dans ce cas.

S’agissant des dotations ou subventions reçues de l’État, la confusion est également importante. Prenant majoritairement la forme de crédits de fonctionnement libres d’emploi, les prélèvements sur recettes consistent en une vingtaine de dotations réparties entre les différents niveaux de collectivités territoriales, dont la seule différence avec une dépense budgétaire est d’être enregistré dans le budget comme une moindre recette et donc discutée dans la première partie de la loi de finances. Si leur montant et modalités de calcul sont fixés par la loi de finances, leur répartition est calculée annuellement par la direction générale des collectivités locales (DGCL). La complexité de leurs critères de répartition, notamment de la trentaine de critères s’appliquant au calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui n’a pas fait l’objet de réformes majeures depuis 2004-2005, ne permet pas aux élus locaux de faire le lien entre les ressources accordées via des dotations d’une part et les compétences exercées par les CT d’autre part. Les constats de la mission « Pirès-Beaune » de 2015 sur la réforme de la DGF demeurent valables en 2023, celle-ci étant davantage liée à des composantes historiques – complément de garantie et dotation de compensation – qu’à des charges de fonctionnement des CT. Dès lors, dotée d’une architecture peu lisible et d’une répartition incomprise par les nouveaux élus, le principal concours financier de l’État consolide des situations passées. Aussi des communes présentant pourtant des populations et une typologie similaires bénéficient-elles de dotations différentes.

6.3. Les propositions du Cercle POLLEN

Rejoignant en cela un rapport récent de la Cour des comptes, POLLEN préconise les orientations suivantes :

  • une autonomie financière renforcée pour le bloc communal, qui récupérerait toute la fiscalité locale et une fraction de TVA ;
  • un financement accru par des dotations et des impôts nationaux partagés pour l’échelon départemental ; comme les dépenses des départements sont constituées pour près des deux tiers des aides à la personne et des frais d’hébergement, ce mode de financement reflèterait la solidarité nationale ;
  • un financement par des impôts nationaux à dominante économique pour les régions Les dépenses de fonctionnement des régions seraient financées par un panier de recettes nationales composé de TVA et d’IS, avec une répartition globalement comparable aux poids respectifs de ces deux impôts (80/20).

7 | Conclusion

Au-delà des propositions que le Cercle POLLEN met sur la table dans le présent document, il ne faudra pas oublier de se préoccuper du fonctionnement de l’État et de considérer l’idée de le remettre à sa juste place.

L’État ne sait plus vraiment ce qu’il est : gérant, garant, régulateur, stratège ou partenaire des collectivités territoriales ? En dehors des fonctions régaliennes traditionnelles (Sécurité intérieure et extérieure, Affaires étrangères, Justice …), son fonctionnement interne doit absolument être questionné.

Les démarches engagées par les gouvernements successifs pour améliorer ce fonctionnement ont donné lieu à de multiples rapports, plus ou moins enterrés, et n’ont pas empêché, bien au contraire, le délitement de la décentralisation et la tendance constante à la re-nationalisation, l’hyper-centralisation et la bureaucratisation.

POLLEN est convaincu qu’une transformation très profonde, accompagnée d’un choc de simplification, est nécessaire pour répondre aux nouvelles attentes des Français.

Il n’est plus acceptable d’être girondins dans les textes et de rester jacobins dans les têtes. C’est ainsi que l’État doit renoncer entièrement aux compétences qu’il a décentralisées (voir ci-dessus) et que cela se traduise réellement dans la composition du gouvernement, dans la posture des ministres et dans les choix budgétaires.

Il ne sert à rien de réclamer, comme depuis plusieurs décennies, le regroupement de l’ensemble des compétences locales de l’État sous l’autorité du préfet si on ne donne pas à celui-ci de réelles marges de manœuvre sur la gestion de ses ressources humaines.

Il n’y a plus lieu de se glorifier de la modernisation numérique des services publics de proximité. Les exemples de projets maîtrisés et réussis côtoient les exemples d’échecs cuisants. Il faut imposer aux administrations des règles de transparence de leur performance, accompagnées d’indicateurs objectifs de résultats et de qualité de service.

Il ne suffit plus de se contenter de petites phrases sur l’inflation des normes produites par le Parlement et l’État. Il faut engager des démarches résolues de simplification, approfondir l’examen des études d’impact, acter le principe d’interdiction de surtransposition des textes communautaires, introduire plus fréquemment des « sunset clauses »…


[1] La séquence élections municipales/élections départementales et régionales de 2020/2021 a battu des records d’abstention ; par ailleurs, les deux dernières élections départementales et régionales (2015 et 2021) ont connu, au 1er tour, un taux de participation inférieur de 10 à 12% comparé aux élections municipales correspondantes (2014 et 2020).

[2] Principe selon lequel la charge d’une politique publique est confiée à l’entité la plus proche des citoyens qui sont directement concernés par cette politique, l’objectif étant de rendre la décision la plus efficace et la plus lisible pour tous.

[3] On rappelle que la déconcentration, qui consiste à déléguer des pouvoirs de l’État central à ses représentants dans les territoires (typiquement : les préfets) est à distinguer de la décentralisation, qui consiste à transférer des pouvoirs de décision à des représentants élus des territoires.

[4] Avec, comme exception, la métropole de Lyon qui bénéficie de cette clause.

[5] 1213 EPCI répartis en 968 communautés de communes (32.3% de la population concernée), 209 communautés d’agglomération (32.8%), 14 communautés urbaines (4.8%) et 22 métropoles (30.1%)

[6] Cas particulier PLM : le scrutin s’effectue par secteurs (16 secteurs à Paris, 9 à Lyon, 8 à Marseille) suivant les mêmes modalités et déterminent des conseillers municipaux et, en complément, des conseillers de secteurs. Pour Paris et Marseille, partie à un EPCI, le scrutin municipal détermine également les conseillers communautaires.

[7] Loi RCT du 16 décembre 2010, loi MAPTAM du 27 janvier 2014 et loi NOTRe du 7 août 2015

[8] 4 métropoles au-dessus d’un million d’hab. ; 7 métropoles en dessous de 400.000 hab. ; p.ex. 12 communes pour la métropole de Toulon, 95 pour la métropole de Lille, et 131 communes pour la Métropole du Grand Paris

[9] Voir le CGCT : articles L5219-1 à L5219-12 pour la MGP ; articles L5218-1 à L5218-11 pour Aix-Marseille ; articles L3611-1 à L3665-2 pour Grand Lyon ; articles L5217-1 à L5217-19 pour les autres

[10] Voir le rapport de décembre 2022 : https://www.senat.fr/rap/r22-190/r22-1901.pdf

[11] Classement par niveau de population : Grand Paris, Aix-Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Montpellier, Rennes, Grenoble, Toulon, Saint-Étienne, Brest, Clermont-F, Dijon, Metz, Orléans, Nancy, Tours

[12] Soit Grand Paris, Aix-Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg

[13] Départements – moyenne générale : 690.000 hab. ; moyenne des 20 collectivités les plus peuplées : 1.552.000 hab. ; moyenne  des 20 collectivités les moins peuplées : 190.000 hab. Régions : 2 régions comptent moins de 3M hab. (CVL et BFC), IDF compte 12 M hab

[14] En ce qui concerne, notamment, les « grandes » régions (p.ex. OCC à 13 départements, NAQ et AURA à 12 départements ; GES à 10 départements)

[15] Loire-Atlantique pour le rattachement à BRE, Alsace pour l’autonomie façon Corse, ou encore Pays Basque

[16] Dans un passé récent : une réforme initiée par Sarkozy, votée en 2010 (suite à des propositions du « Comité Balladur » formulées en 2009), enterrée en 2012 par Hollande, évoquée par Macron à l’occasion de la campagne 2022 et, par ailleurs, objet d’une résolution parlementaire du MODEM (AN n°4871 du 6 janvier 2022 adoptée lors du scrutin n°4358 du 3 février 2022)

[17] Effectif > 400 pour certaines d’entre elles

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