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5 propositions du Cercle POLLEN pour une fiscalité plus équitable

Depuis 2017, le projet fiscal de l’exécutif se décline principalement dans la volonté de « baisser les impôts » (suppression de la taxe d’habitation et de nombreux impôts de production frappant les entreprises). Un tel objectif n’est pas dénué de pertinence, dans un pays où plus de la moitié de la richesse annuelle produite est captée par la sphère publique. Il rencontre néanmoins ses limites, lorsque les déficits se creusent, notamment sous la contrainte d’une crise sanitaire et de tensions géopolitiques, et lorsque l’action publique exige des efforts croissants dans des secteurs tels que la défense, la justice ou la santé et, surtout, la transition environnementale.

Le Cercle POLLEN, sans remettre en cause l’objectif du redressement des comptes publics propose une inflexion de la politique fiscale, dans le sens des valeurs d’une gauche progressiste et réformiste, permettant une plus juste répartition des efforts entre les contribuables. Ce projet repose sur les cinq priorités décrites ci-après.

Les mesures proposées répondent aux impératifs de ce que doit être une politique fiscale avisée :

  • Universalité des contributions, chacun dans la mesure de ses moyens devant participer à l’effort national ;
  • Progressivité pour répondre à l’exigence de justice fiscale ;
  • Correction des excès et frein aux dérives. Ces mesures, fondées sur une approche raisonnable, sont de nature à faire sauter le verrou qui, à chaque effort collectif demandé, ravive les oppositions motivées par le fait que, depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les plus nantis sont toujours épargnés.

I. INSTAURER UNE IMPOSITION RAISONNÉE SUR LE PATRIMOINE

Le qualificatif de « Président des Riches » colle à Emmanuel Macron, après la suppression de l’ISF et la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes. L’allègement des droits de succession, annoncé pendant la dernière campagne présidentielle, privilégierait encore davantage ceux qui possèdent.

Or, le Conseil d’Analyse économique a montré qu’un système fiscal qui n’appréhende quasiment pas les patrimoines contribue à scléroser la société (1). Les différences de patrimoine constituent, en effet, des freins très importants à l’ascenseur social, même si la mobilité sociale est également freinée par d’autres inégalités, notamment culturelles.

L’opportunité d’une fiscalité sur le patrimoine a aussi été évoquée par le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz (2), dont l’une des conclusions est que les possédants les plus favorisés devraient être mis à contribution pour financer la transition environnementale.

Pour répondre à ce double défi, mobilité sociale et transition environnementale, le Cercle POLLEN formule deux propositions.

A. Un impôt sur le patrimoine à très large assiette et à faible taux

L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1989 impose que la contribution aux dépenses communes soit « également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Or, un système fiscal qui ne touche pas du tout le patrimoine, sauf à l’occasion de successions largement exonérées ou à fiscalité très atténuée (cf. ci-après point B), ne peut pas répondre au critère d’une contribution de chacun « en raison de ses facultés ».

Rétablir l’ISF ne serait pas une bonne solution : en 2016, il ne frappait que moins de 1% des 37,5 millions de foyers fiscaux. Or, focaliser l’imposition sur quelques-uns se traduit inévitablement par le départ de contribuables et la délocalisation d’activités.

Le Cercle POLLEN propose plutôt de créer une imposition du patrimoine sur une base très élargie et à taux très modéré. Cette contribution patrimoniale généralisée (CPG)3 serait une sorte de pendant de la CSG qui porte sur les revenus. Elle serait exigible à partir de 45.000 euros d’actif net (après soustraction du montant des emprunts en cours) et son taux de départ serait de 0,1 %, soit 45 euros. Ce taux s’élèverait progressivement jusqu’à 0,34 %, au-delà de 10 millions d’euros de patrimoine net. Une telle CPG « pour tous » remédierait à l’absence de prise en compte sérieuse du patrimoine dans notre système fiscal, tout en évitant qu’il ne soit acquitté que par une petite minorité et qu’un taux excessif ne génère un exil fiscal appauvrissant pour la France. Le rendement d’un tel impôt reste à évaluer, mais le signal politique d’une contribution généralisée sur les patrimoines, touchant une partie significative de la population à un taux très modéré, est, aux yeux du Cercle Pollen, plus important que le rendement lui-même.

B. Une imposition plus significative des très grosses successions

Le Cercle POLLEN demande un effort de solidarité aux bénéficiaires d’importantes successions. Cet effort doit toucher aussi bien les patrimoines professionnels que particuliers (4).

S’agissant des patrimoines particuliers, rien ne serait changé pour les successions inférieures à 100.000 euros par enfant et par parent, qui demeureraient exonérées. Elles représentent 87% des héritages (5). Le Cercle Pollen propose même que ce seuil d’exonération soit également accordé aux héritiers en ligne indirecte, afin de tenir compte de l’évolution des mœurs et de la multiplication des familles recomposées.

En revanche, la progressivité des droits de succession doit être plus importante, au-delà de 100.000 euros, jusqu’à un taux qui, pour les très importantes successions, atteindrait 60 %, comme c’est le cas aujourd’hui pour les transmissions en ligne indirecte.

Cette réforme serait assortie de plusieurs mesures d’accompagnement :

  • Le total à imposer serait calculé sur la durée de vie de chaque bénéficiaire, afin de ne pas avantager celles et ceux qui pourraient cumuler plusieurs successions.
  • L’exonération des donations entre vifs, sans être remise en cause, serait réformée.
  • Le régime privilégié de l’assurance-vie serait plafonné aux produits inférieurs à deux fois le plafond du Livret A, ce qui suffirait à couvrir l’épargne populaire, mais supprimerait ce moyen d’évasion fiscale pour les gros patrimoines. Pour le patrimoine professionnel, les « Pactes Dutreil », qui réduisent à un-quart la valeur soumise aux droits de succession, doivent être limités aux transmissions de petites et moyennes entreprises. Le Cercle Pollen propose que cet avantage soit plafonné aux 5 premiers millions d’euros de l’actif professionnel transmis. Le reste serait pleinement soumis aux droits de successions, mais le paiement pourrait faire l’objet d’un étalement long, par exemple sur quinze ou vingt ans, assorti de garanties (nantissement des titres, par exemple) afin que l’État protège sa créance. L’impôt serait immédiatement exigible en cas de cession de l’entreprise. Si la cession est partielle, la suppression du report de paiement ne concernerait que la part cédée.

II. CESSER DE PRIVILÉGIER LES REVENUS DU CAPITAL PAR RAPPORT AUX REVENUS DU TRAVAIL

Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), dit Flat Tax, permet de n’imposer les dividendes qu’à hauteur de 12,8 %, alors que le salaire d’un cadre supérieur peut être imposé à un taux marginal de 45%. Certes, à la Flat Tax s’ajoutent 17,2 % de cotisations sociales (9,2 % de CSG, 0,5 % de CRDS et 7,5 % de prélèvement de solidarité). Mais le salarié supporte ses propres cotisations sociales, sensiblement plus élevées notamment pour la retraite, ainsi que la CSG et la CRDS. Pour une rémunération de l’ordre de 50.000 euros par an, l’économie d’impôts réalisée par le bénéficiaire de la Flat Tax est de plus de 16.000 euros. Cet avantage accordé aux revenus du capital n’a eu aucun effet sur l’investissement, ni même sur l’augmentation du nombre d’actionnaires en France. Dans une chronique publiée par la revue Challenges du 11 juillet 2022, un économiste réputé a écrit que la Flat Tax n’a fait que créer une l’inflation des actifs existants, alors que le taux d’investissement net des entreprises s’est réduit de 5 à 3 % (https://www.challenges.fr/patrimoine/en-france-la-baisse-de-la-fiscalite-du-capital-est-un-echec_820326) par Patrick Artus);

Sans supprimer ce dispositif, le Cercle POLLEN demande qu’il soit plafonné aux premiers 30.000 euros de dividendes. Au-delà, son bénéfice devrait être soumis à des conditions strictes, par exemple subordonné à la mise en place, dans l’entreprise concernée, d’un plan d’actionnariat salarié (cf. la fiche descriptive n° 3).

III. REDONNER DU POUVOIR D’ACHAT AUX CLASSES MOYENNES EN RÉFORMANT LE SYSTÈME DU QUOTIENT FAMILIAL

Le mécanisme du quotient familial est injuste. Il accorde une diminution d’impôt par enfant d’autant plus importante que les revenus du ménage sont élevés. Les plafonnements introduits en 2013 et 2014 ont limité cet avantage pour les très hauts revenus, mais la différence reste significative, comme le montre le tableau ci-dessous : un ménage de 4 enfants disposant d’un revenu imposable de 100.000 euros bénéficie d’une réduction annuelle d’impôt de 10.000 euros, alors que cette réduction est inférieure à 4.000 euros/an pour le même ménage dont le revenu imposable est de l’ordre de 60.000 euros.

Rien ne justifie ce privilège, d’autant que ses effets sur la natalité sont loin d’être établis (ce sont les femmes les plus modestes qui ont le taux de fécondité le plus élevé).

Le Cercle POLLEN propose donc de remplacer le système actuel du quotient familial par une déduction forfaitaire fixe, quels que soient les revenus imposables. L’enveloppe globale des déductions resterait la même, mais cette réforme flécherait l’augmentation vers les classes moyennes chargées de famille.

IV. RESTITUER AUX COLLECTIVITÉS LOCALES LEUR POUVOIR DE LEVER L’IMPÔT

Ce pouvoir leur a été très largement retiré par la suppression de la taxe d’habitation. Il le sera encore plus après la suppression de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises), et celle, programmée, des taxes foncières acquittées par les entreprises.

Ces réformes ont un effet délétère sur la responsabilisation des gestionnaires locaux, largement dépouillés de toute faculté de lever l’impôt et de le moduler. Leurs budgets ne dépendent plus, pour une large part de leurs ressources, que de transferts en provenance de l’État.

Le Cercle POLLEN pense indispensable de permettre aux élus locaux de retrouver une influence sur les impôts acquittés par leurs habitants, en fonction des dépenses de fonctionnement et d’investissement qu’ils votent. Plusieurs pistes sont possibles, y compris celles de « centimes additionnels » à d’autres impôts, qui pourraient être l’IR, la CSG, voire la TVA. En tout cas, il importe de mettre un terme à cette déresponsabilisation fiscale des élus.

V. PÉNALISER LES RÉMUNÉRATIONS EXCESSIVES DES DIRIGEANTS DE GRANDES ENTREPRISES

Le Cercle POLLEN a pris une position très nette contre les rémunérations excessives des dirigeants de grands groupes (Le Monde daté du 20 août 2022). Ces rémunérations, dans les très grandes entreprises, atteignent plusieurs millions d’euros par an, part variable incluse, sans compter les plans de stock-options et les mécanismes dits de « parachutes dorés ». Elles sont souvent parées de la vertu d’un « alignement des intérêts du management avec ceux des actionnaires ». La réalité est beaucoup plus prosaïque : l’inflation de ces rémunérations, depuis quelques décennies, résulte surtout de l’entre-soi de dirigeants qui siègent dans les conseils d’administration les uns des autres et de la surenchère des cabinets de recrutement dont les honoraires sont indexés sur lesdites rémunérations.

Le Cercle POLLEN propose que ne soient plus déduites du résultat imposable des entreprises les rémunérations individuelles dont le montant excéderait un plafond fixé à 20 fois le montant du SMIC, soit environ 360.000 euros par an. Le régime fiscal et social desdites rémunérations ne serait pas modifié, seule la déductibilité de la charge pour l’entreprise serait exclue. En d’autres termes, les sommes excédant ce plafond de rémunération pour un Président, un Directeur Général ou un trader, seraient réintroduites dans l’assiette de calcul de l’IS, ce qui aurait pour effet de responsabiliser les actionnaires, qui verraient le résultat net d’impôt diminuer d’autant. Les « parachutes dorés » et autres « retraites chapeaux », accordées aux dirigeants ayant quitté leurs fonctions, devraient subir le même sort.

Pour limiter les risques de délocalisation, un tel dispositif devrait être institué au niveau européen ou, dans un premier temps, appliqué par un « groupe pionnier » d’États membres de l’UE. À terme, son élargissement à tous les pays de l’OCDE serait opportun.


FICHE ANNEXE N° 1 : UN IMPÔT SUR LE PATRIMOINE À TRÈS LARGE ASSIETTE ET À FAIBLE TAUX

Dans une démocratie, l’impôt doit permettre que la contribution aux dépenses communes soit « également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » (article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Or, un système fiscal qui ne touche pas du tout le patrimoine, sauf à l’occasion de successions souvent exonérées ou à fiscalité très atténuée8, ne peut pas répondre au critère d’une contribution de chacun en raison de ses facultés.

L’ISF a été supprimé dès le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Seul subsiste un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il est vrai que cet ISF souffrait de plusieurs faiblesses. La première était qu’il n’était acquitté que par une minorité de Français, puisqu’il n’appréhendait que les patrimoines supérieurs à 1,3 M euros. En 2016, il frappait moins de 1% des 37,5 millions de foyers fiscaux. Or, focaliser l’imposition sur quelques-uns conduit tous ceux qui ne l’acquittent pas à considérer que c’est un excellent impôt et tous ceux qui le supportent à tout faire pour y échapper. Sa seconde faiblesse était son taux relativement élevé puisqu’il prélevait 0,5 % pour la tranche de patrimoine comprise entre 0,8 et 1,3 millions, soit jusqu’à 2.500 euros et 1,5 % pour la tranche de patrimoine excédent 10 M euros. Ainsi, le titulaire d’un patrimoine net de 15 M devait acquitter, chaque année, 173 190 euros. À ce niveau, la tentation de quitter le territoire français était forte ; elle croissait encore pour les patrimoines plus élevés, conduisant au départ de contribuables et d’activités.

Pour mettre les patrimoines à contribution, sans subir ces effets pervers, le Cercle POLLEN propose une imposition sur une assiette très élargie et à taux beaucoup plus modéré.

Cette pratique existe dans plusieurs cantons suisses. Celui de Vaud, par exemple, connaît un impôt sur la fortune payé par les deux tiers de ses contribuables. Y sont assujettis tous ceux dont la valeur nette du patrimoine excède 50 000 francs suisses (les contribuables français étaient redevables de l’ISF au-delà de 1,3 million d’euros, soit un seuil 25 fois plus élevé). Le taux appliqué par le fisc vaudois est très faible, mais progressif, puisqu’il s’échelonne de 0,1 à 0,339 %.

La proposition du Cercle POLLEN consisterait à créer une contribution patrimoniale généralisée (CPG), qui serait le correspondant, pour ce qui concerne les patrimoines, de la CSG qui ne porte que sur les revenus. Elle serait exigible à partir de 45.000 euros d’actif net, après soustraction du montant des emprunts en cours. Un tel montant de patrimoine représente environ deux fois le plafond actuel du livret A. Avec un taux de 0,1 %, les premiers contributeurs acquitteraient une somme annuelle de 45 euros par an. Pour un taux plafond de 0,34 %, comme chez nos voisins vaudois, ceux qui disposent d’un patrimoine net de 15 millions d’euros supporteraient une imposition progressive selon les différentes tranches de leur patrimoine, mais le total serait inférieur à 50 000 euros par an.

Une telle CPG « pour tous » permettrait de remédier à l’absence de prise en compte sérieuse du patrimoine dans notre système fiscal, tout en évitant qu’il ne soit acquitté que par une petite minorité et qu’un taux excessif ne génère un exil fiscal appauvrissant pour la France.

Dans un tel système, les exonérations existantes n’auraient plus de nécessité, puisque l’imposition serait très limitée. Il n’y a donc aucune raison pour que certains biens ou actifs soient exonérés, ni pour qu’ils soient dispensés d’autres impositions, par exemple lors des successions, qui constituent un fait générateur différent.

Les contribuables français étaient redevables de l’ISF au-delà de 1,3 million d’euros, soit un seuil 25 fois plus élevé.

La question se pose de la coexistence de la CPG avec l’IFI, impôt sur la fortune immobilière, qui s’est substitué à l’ISF. Sachant que l’IFI a rapporté 2,35 milliards d’euros à l’État en 2022, il semble difficile de prétendre le remplacer complètement par une CPG dont le taux plafonnerait autour de 0,34 %, alors que la partie supérieure à 10 millions d’euros de patrimoine immobilier est actuellement taxée à 1,5 %. En pratique, rien n’interdit de faire coexister les deux impositions. Prévoir, dans la déclaration annuelle, une distinction entre les actifs immobiliers et les actifs mobiliers ne poserait pas de difficulté majeure et avoir deux échelles de taux, selon la nature mobilière ou immobilière des éléments de patrimoine serait parfaitement gérable. Certes, conserver les deux types d’imposition conduirait à deux conséquences. La première serait que les assujettis à l’IFI verraient leur taux d’imposition augmenter à concurrence du taux de la CPG. Or, ajouter même 0,34 % à 1,5 % (taux maximum de l’IFI) conduirait à tutoyer les 2 %. La seconde serait que les actifs immobiliers seraient soumis à un taux très faible en-dessous de 800.000 euros (disons aux alentours de 0,2 %, selon la progressivité de la CPG qui s’échelonnerait de 0,1 à 0,34 %), puis à 0,5 % entre 800.000 et 1,3 millions d’euros10. Le seuil des 800.000 créerait donc une marche très élevée et pourrait justifier un mécanisme d’adaptation, même si ce seuil existe aujourd’hui dans le système IFI en raison de l’exonération totale des actifs immobiliers dont la valeur se situe en-dessous de 800.000 euros.

Face à cette situation, on pourrait prévoir que les actifs immobiliers soumis à l’IFI (c’est-à-dire ceux qui sont d’une valeur supérieure à 800.000 euros) ne soient pas assujettis à la CPG. On pourrait aussi imaginer des mécanismes d’atténuation des effets de seuil qui seraient liés à la coexistence des deux impositions. Il s’agit de choix techniques que le Cercle POLLEN préfère laisser ouverts, sachant que la surimposition des actifs immobiliers était parfaitement voulue lors de la réforme qui a substitué l’IFI à l’ISF. Il appartiendra donc au Gouvernement et/ou au Parlement de décider ou non de neutraliser ou réduire une possible double imposition et de s’occuper des éventuels effets de seuils.

Pour le reste, les mécanismes d’atténuation existant dans le cadre de l’IFI, à savoir un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale et un plafonnement du total IFI + IR à 75 % des revenus perçus devraient être appliqués, mutatis mutandis, dans le cadre de la CPG.

Par ailleurs, pour ne pas pénaliser les TPE, les actifs professionnels pourraient également bénéficier d’un abattement forfaitaire à la base. Sur ces mécanismes d’atténuation, Pollen ne souhaite pas non plus entrer dans trop de détail, préférant concentrer le débat sur le principe d’un tel impôt général sur le patrimoine.

Le rendement d’un tel impôt ne sera pas nécessairement important, mais le signal politique d’une contribution patrimoniale généralisée touchant une partie significative de la population à un taux très modéré est, aux yeux du Cercle POLLEN, plus important que le rendement lui-même.


FICHE ANNEXE N° 2 : IMPOSER DE FAÇON PLUS SIGNIFICATIVE LES GROSSES SUCCESSIONS

Le Cercle POLLEN considère qu’un effort de solidarité doit être demandé aux bénéficiaires d’importantes successions, notamment face aux besoins de financement qu’impose la transition environnementale. Cette solidarité des « possédants » constituerait une sorte de retour aux principes de « l’avarie commune » qui, depuis le droit romain, permet de répartir entre les propriétaires d’une cargaison embarquée, à proportion des valeurs respectives de leurs biens, les frais et pertes causés par une avarie en mer.

Cet effort doit toucher aussi bien la transmission des patrimoines privés que celle des biens professionnels.

1. Pour la transmission du patrimoine privé, la franchise d’impôt doit être limitée au seuil de 100.000 euros et la progressivité du prélèvement être accrue au-delà

Le projet du « candidat-président » en 2022 prévoyait de porter de 100.000 à 150.000 euros le montant exonéré, par enfant et par parent, pour les successions en ligne directe. Il portait aussi ce montant à 100.000 euros pour les successions indirectes (nièces et neveux, par exemple).

La deuxième mesure peut se comprendre : à l’heure de l’évolution des mœurs et des familles recomposées, les privilèges accordés aux descendants en ligne indirecte ne se justifient plus.

La première, en revanche, avantage les possédants sans justification. Pour une famille de deux parents et deux enfants, le seuil d’exonération global atteindrait 600.000 euros. Ce n’est pas équitable, surtout s’il s’agit d’exonérations « rechargeables » tous les 15 ans, comme dans le régime actuel. Sur une génération d’une trentaine d’années, le montant total exonéré pour ces deux enfants pourrait atteindre 1.200.000 euros. On est loin du lopin de terre, de la cabane de pêcheur ou de la petite résidence secondaire.

Aux Français qui demeurent très attachés à la fonction sociale et familiale de l’héritage, on rappellera que 87% des successions sont d’un montant inférieur à 100.000 euros.

La proposition du Cercle POLLEN se décompose comme suit

  • Que le montant exonéré demeure fixé à 100.000 euros ;
  • Qu’il soit étendu aux transmissions en ligne indirecte ;
  • Mais qu’un prélèvement plus nettement progressif soit imposé aux successions supérieures à ce seuil ;
  • Que la faculté de faire des donations exonérées tous les quinze ans, dispositif qui n’avantage que les plus gros patrimoines, soit modifiée ; si ces donations peuvent être considérées comme un élément utile de solidarité intergénérationnelle, il est clair qu’elles ne bénéficient qu’aux patrimoines très élevés ; on devrait, par conséquent, au lieu d’exonérer ces donations, leur affecter d’une réduction des droits de transmission, encourageant les transferts les plus rapides au bénéfice des plus jeunes : 75 % de réduction pour les donateurs âgés de moins de 50 ou 55 ans, 50 % pour les donateurs de moins de 60 ou 65 ans, 25 % pour ceux de moins de 70 ou 75 ans, rien au-delà ;
  • Enfin, que l’assiette imposable soit calculée sur la durée de vie de chaque bénéficiaire, toutes successions confondues, afin de ne pas avantager celles et ceux qui cumuleraient plusieurs successions. 11

La contribution additionnelle demandée aux successions supérieures à 100.000 euros par bénéficiaire (dont on rappellera qu’elles ne représentent que 13 % des transmissions) pourra être modérée pour les premières tranches, par exemple jusqu’à 200.000 euros, mais une progressivité beaucoup plus nette doit intervenir ensuite, jusqu’à un taux qui, pour les successions supérieures à 2 millions d’euros devrait s’élever à 60 %, comme c’est le cas aujourd’hui pour les transmissions en ligne indirecte.

Au final, seules les grosses successions seront pénalisées (le taux maximum en ligne directe est aujourd’hui de 45 % pour les successions supérieures à 1,8 millions d’euros). Les petites successions seront significativement avantagées pour les transmissions indirectes (frères et sœurs, parents jusqu’au 4ème degré ou non-parents qui supportent aujourd’hui un prélèvement de 60 % dès le premier euros). Les autres successions, d’un montant inférieur à 100.000 euros par héritier, ne seront pas touchées.

2. Limiter les avantages accordés à l’assurance-vie

L’assurance-vie est un produit d’épargne plébiscité des français, puisqu’il pesait plus de 1.700 milliards d’euros fin 2022.

S’il est plébiscité, ce n’est pas en raison de ce qu’il rapporte : placée à plus de 75% en fonds « euros », l’assurance vie permet à peine de couvrir l’érosion monétaire résultant de l’inflation. Il est apprécié parce que le produit des placements de l’assurance-vie est exonéré d’impôt sur le revenu, après un délai minimum de détention (généralement 8 ans) et, surtout, parce qu’il permet de transmettre son patrimoine en franchise d’impôt. Il présente aussi l’avantage de faire hériter la personne ou l’entité de son choix : sa cousine, sa voisine, son infirmière, voire bien au-delà …

Cette assurance-vie, si elle est placée en euros, finance peu l’économie française, même si une petite partie est affectée au financement de notre dette, via les emprunts publics obligataires. Réduire ses avantages fiscaux ne devrait donc guère créer de difficultés pour le financement de notre économie.

Les principaux obstacles à sa réforme sont, en premier lieu, la volonté de certains contribuables de bénéficier de réductions d’impôts et d’un moyen de contourner les dispositions du Code civil qui exigent qu’une partie du patrimoine du défunt revienne obligatoirement aux héritiers réservataires (descendants ou conjoint survivant). Le second obstacle est la résistance des professionnels : comme pour la plupart des produits d’épargne assortis d’un avantage fiscal, ce dernier est en bonne partie « récupéré » par les intermédiaires, banques et compagnies d’assurance, via la tarification de commissions aussi multiples que peu transparentes pour l’assuré moyen.

Le Cercle POLLEN, sans supprimer complètement le régime fiscal privilégié de l’assurance-vie, propose que l’exonération d’IR pour les revenus de ces placement soit limitée à 10.000 euros. Cela suffirait à couvrir l’épargne populaire, puisque pour un rendement annuel de 3 % sur 8 années, cela représente un placement initial en euros de l’ordre de 40.000 euros, ce qui limiterait ce privilège fiscal à des placements s’élevant à environ deux fois le plafond du Livret A.

3. Modifier très sensiblement la transmission du patrimoine professionnel

Les transmissions de patrimoine professionnel sont celles qui sont les plus avantagées. Sous l’égide des « Pactes Dutreil », elles bénéficient d’une exonération de 75 % de l’assiette des droits de succession, contre un engagement très limité de conservation des titres (quatre à six années seulement).

Les partisans de ce dispositif expliquent qu’il facilite la transmission d’entreprises « familiales ». Le problème est qu’il va bien au-delà de ce qui serait acceptable pour le transfert d’une petite entreprise, puisqu’aucun plafond n’existe : les Bolloré, Peugeot, Lagardère, Michelin, Leclerc, Mulliez, Wendel ou autres Arnault en bénéficient tout autant que l’artisan, le commerçant ou le professionnel libéral. Il suffit que la famille concernée détienne 34 % du capital ou des droits de vote (20 % s’il s’agit d’une société cotée) pour transmettre, à très faible coût fiscal, de véritables empires industriels ou commerciaux. Au demeurant, la doctrine économique est partagée sur les mérites des entreprises familiales par rapport aux autres (on trouve des contre-exemples dans tous les secteurs et sous toutes les latitudes). En outre, certains pays ont trouvé des formes aussi efficaces pour promouvoir la solidité de l’actionnariat de long terme, par exemple via des fondations de droit privé en Allemagne, propriétaires de Bosch, Krupp, Karl Zeiss et de beaucoup d’entreprises de taille intermédiaire.

Enfin, l’intérêt de faciliter la transmission d’entreprises familiales ne saurait l’emporter sur les objectifs de cohésion sociale et d’égalité des chances : celles et ceux qui sont « mal nés »12 ne peuvent acquérir une entreprise sans s’endetter lourdement auprès d’un établissement financier, alors que les « héritiers » ne sont redevables, au maximum, que d’une imposition sur le quart de la valeur du patrimoine transmis.

Pour préserver la transmission des PME, tout en supprimant la partie inacceptable de ces avantages, le Cercle POLLEN propose que les pactes Dutreil soient limités aux premiers cinq millions d’euros de la valeur de l’actif professionnel transmis.

Pour le reste, l’État pourra accepter un étalement long du paiement des droits, par exemple sur quinze ou vingt ans (soit l’équivalent de la durée d’un financement bancaire pour un acquéreur non-héritier), assorti d’un nantissement des titres ou d’une forme équivalente de sûreté. Le bénéfice de cet étalement sera supprimé en cas de cession de l’entreprise concernée. Si la cession est partielle, la suppression du report de paiement ne concernerait que la partie cédée. Les sûretés exigées pour bénéficier de ce régime (nantissements ou garanties équivalentes) permettront (i) une limitation des fraudes, puisque l’administration fiscale sera automatiquement informée de toute cession partielle ou totale de l’entreprise (ii) la protection de la créance de l’État. On notera que cet étalement du paiement des droits constitue quand même un avantage sérieux, puisque l’État fait un prêt de long terme et sans intérêt, ce qui est mieux que ce que consentirait une banque à l’acquéreur d’une entreprise. Il va de soi que ce régime préférentiel ne serait nullement obligatoire et que chaque héritier conserverait la faculté de régler la totalité des droits de succession, pour avoir la libre disposition des actifs dont il hériterait.


FICHE ANNEXE N° 3 : CESSER DE PRIVILÉGIER LES REVENUS DU CAPITAL PAR RAPPORT AUX REVENUS DU TRAVAIL

Au début de son premier quinquennat, Emmanuel Macron a offert aux titulaires de dividendes le bénéfice d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi nommée « Flat Tax », leur offrant un taux d’imposition fixe, inférieur à celui que supportent bon nombre de salariés ou pensionnés.

L’avantage ainsi accordé aux titulaires de dividendes, revenus du capital, par rapport aux bénéficiaires de revenus du travail est manifeste : les premiers sont imposés au taux de 12,8 % et supportent des cotisations sociales à hauteur de 17,2 % (9,2 % de CSG, 0,5 % de CRDS et 7,5 % de prélèvement de solidarité) ; les seconds supporteront leurs propres cotisations sociales, acquitteront la CSG et la CRDS exactement aux mêmes taux et seront imposés sur le revenu à un taux compris entre 30%, pour un revenu imposable annuel de 27 478 euros, et 45 % s’il excède 168 994 euros.

Pour fournir un exemple concret, le dirigeant et actionnaire d’une entreprise, s’il choisit de toucher un salaire modique et de recevoir, a posteriori, une quote-part de dividendes de l’ordre de 100.000 euros, ne sera imposé sur ces revenus du capital qu’à hauteur de 12,8 %. De son côté, un cadre supérieur de son entreprise sera imposé jusqu’à 45% sur la tranche de son revenu imposable13 supérieure à 168 994 euros14. Tous les deux supporteront exactement les mêmes cotisations CSG et CRDS. Le bénéficiaire des dividendes devra aussi acquitter 7,5 % de prélèvement de solidarité, tandis que le salarié acquittera ses propres cotisations sociales sur la retraite (taux variables en fonction du régime de retraite complémentaire). Dans un tel cas, l’économie d’impôts sur le revenu réalisée par le bénéficiaire de la Flat Tax sera de plus de 13.000 euros par rapport au salarié.

On pourrait discuter la qualification des 7,5% du prélèvement de solidarité, imposé sur tous les revenus du patrimoine et produits de placement, qui ressemble plus à une taxe qu’à une cotisation, puisque son produit est affecté au budget général et non aux organismes de protection sociale. Mais même en l’intégrant dans le taux d’imposition à l’IR, le différentiel reste important (20,3 % de taux fixe au lieu d’un taux marginal de 45 % pour un cadre supérieur) et l’économie d’impôt, pour un revenu global de 100 000 euros reste proche de 6.000 euros.

Cet avantage est accordé sans aucun plafonnement, ni aucune contrepartie. Il n’est même pas exigé qu’une partie des fonds bénéficiant de ce régime fiscal privilégié soient mis en compte courant bloqué ou incorporés au capital, alors que l’une des faiblesses des entreprises françaises reste l’insuffisance de fonds propres.

Les partisans de cette « niche fiscale »15, estiment qu’elle encourage les épargnants à investir en actions plutôt qu’en livrets défiscalisés ou en obligations. Aucune étude sérieuse n’a constaté qu’elle aurait eu un tel effet : le nombre d’actionnaires individuels en France est globalement stable depuis 2017 et n’évolue, à court terme, qu’en fonction des taux d’intérêt ou des plus- values espérées (par exemple la crise CoViD a vu naître des boursicoteurs occasionnels, désireux de profiter de la baisse importante du cours des actions). On avance aussi que le PFU encourage la distribution de dividendes au lieu du maintien en réserve de bénéfices. Il est vrai que ces distributions ont été en hausse en 2018, largement pour tirer parti de l’effet d’aubaine qui a suivi l’adoption de la Flat Tax. Ensuite, elles sont restées stables16. En outre, sur le plan macroéconomique, il est difficile de justifier un tel avantage accordé à la distribution de profits par rapport aux salaires, à l’heure où la doctrine économique établit que « la hausse de la part du profit entrave la croissance de la production et de la productivité, tandis qu’elle renforce évidemment les inégalités sociales, ce qui contredit tout effet supposé de ruissellement sur le long terme » (17).

En toute hypothèse, à supposer qu’il soit opportun de relancer l’actionnariat populaire, il serait opportun de plafonner cet avantage, qui peut représenter une économie d’impôts très significative, sans accorder ce régime fiscal préférentiel à des dividendes atteignant plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’euros. On comprend mal, d’ailleurs, pourquoi les bénéficiaires de la Flat Tax ne sont pas soumis au plafonnement des niches fiscales, introduit sous le quinquennat Hollande, à 10.000 euros maximum par foyer.

Une autre solution serait que le bénéfice du PFU soit plafonné aux premiers 30.000 euros de dividendes, ce qui correspond à un portefeuille de titres déjà très substantiel (entre 500.000 et 1 million d’euros). Pour le surplus, il devrait être soumis à des conditions strictes. Au nombre de ces conditions, on pourrait imposer que le bénéfice du PFU soit subordonné à la mise en place, dans l’entreprise distributrice, d’un plan d’actionnariat salarié. Ces conditions impliqueraient des contrôles complexes, mais mettraient fin à une inégalité choquante entre revenus du travail et du capital.

1. https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note069.pdf.
2. https://www.strategie.gouv.fr/publications/incidences-economiques-de-laction-climat
3. Cf la fiche descriptive n° 1
4. Cf. la fiche descriptive n° 2
5. https://www.inegalites.fr/87-des-heritages-sont-inferieurs-a-100-000-euros.
6. Patrick Artus « En France, la baisse de la fiscalité du capital est un échec » https://www.challenges.fr/patrimoine/en-france-la-baisse-de-la-fiscalite-du-capital-est-un-echec_820326
7. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6441218
8. Cf fiche N° 2
9. Les contribuables français étaient redevables de l’ISF au-delà de 1,3 million d’euros, soit un seuil 25 fois plus élevé.
10. Les taux de prélèvement sont ensuite de 0,7 % entre 1,3 et 2,57 millions, 1 % entre 2,57 et 5 millions, 1,25 %.
11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Avarie_commune
12. D’aucun utilise l’expression « ceux qui ne sont rien » …
13. La notion de revenu annuel imposable est différente de celle du salaire perçu, mais elles sont proches et ont été assimilées pour simplifier l’exemple concret.
14. Le salarié supportera une imposition de 11 % sur ses revenus compris entre 10 777 et 27 478, de 30 % sur ses revenus compris entre 27 478 et 78 570 euros, et de 41 % entre 78.570 et 100.000 euros.
15. La Cour des Comptes, dans un récent rapport, a identifié « 465 dispositions fiscales dérogatoires », dont beaucoup ne sont correctement évaluées ni pour ce qui concerne leurs effets économiques, ni même pour s’assurer de leur impact budgétaire. La Flat Tax présente, en plus, la caractéristique de n’avoir aucun objectif publiquement assumé par le Gouvernement.

16. Le troisième rapport du « Comité de suivi et d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital » montre un bond des distributions de dividendes au titre de 2018 (23 milliards d’euros, après 14 milliards en 2017), une tendance confirmée en 2019 (augmentation supplémentaire de l’ordre de 1 milliard) et en 2020 (stabilité par rapport à 2019).
17. Chronique de Jean-Hervé Lorenzi, fondateur du Cercle des économistes et Alain Villemur, Directeur scientifique de la chaire Transitions démographiques, transitions économiques : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-repartition-salaire-profit-cle-de-la-croissance- 1973497.

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