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Le Conseil national de la refondation est une chance pour la démocratie

Tribune parue dans Le Monde le 8 septembre 2022

Sophie Segond, avocate, secrétaire générale du cercle Pollen, conseillère (LRM) du 8e arrondissement de Paris, impliquée dans plusieurs associations de promotion de la femme et orientées vers les femmes en détresse.

Yves Durand, ancien député-maire (PS) de Lomme (Nord), membre du conseil d’orientation du cercle Pollen (laboratoire d’idées pour le renouveau de la social-démocratie), vice-président du conseil national de Territoires de progrès, et engagé dans la vie associative en faveur des jeunes en difficulté.

Le Président de la République a installé, jeudi 8 septembre, le Conseil national de la refondation (CNR). Sa création a été annoncée durant la campagne des législatives, dans un entretien diffusé le 3 juin accordé à plusieurs quotidiens régionaux, et réaffirmée maintes fois depuis.

Le titre même, référence au Conseil national de la Résistance, n’est pas neutre. Le terme « refondation » implique, quant à lui, des réformes de fond, et surtout un changement radical dans la gouvernance du pays. Un tel tournant politique exige de sortir du flou qui génère, aujourd’hui, le désintérêt et le scepticisme des citoyens, et fournit prétexte à des oppositions qui relèvent le plus souvent de postures politiciennes. Il est donc urgent que le Président clarifie la nature et le fonctionnement du CNR, sous peine d’être accusé de créer un nouveau « machin ».

Or cette initiative peut enclencher un renouveau de la démocratie, sous trois conditions : la force de l’ambition, la sincérité de la méthode, l’exigence dans les résultats.

L’ambition d’une refondation, c’est sans doute, d’abord, de redonner du sens à l’action publique. Les crises récentes, des « gilets jaunes » aux conséquences de la guerre aux portes de l’Union européenne, en passant par le Covid-19, ont conduit les gouvernements successifs – notamment lors du dernier quinquennat – à répondre à l’urgence par des mesures immédiates et ponctuelles, donnant l’image de responsables politiques subissant, et non maîtrisant, les événements.

Certes, il fallait bien répondre aux souffrances immédiates, mais l’urgence a occulté le sens. Or l’action politique repose sur l’alliance entre la réponse immédiate et la construction d’une perspective à long terme. Sans l’une, la politique est désincarnée ; sans l’autre, elle est aveugle.

Cette nécessité de conjuguer le temps court et le temps long s’impose pour tous les grands problèmes de notre société : le réchauffement climatique exige des mesures d’urgence, et le sauvetage de la planète s’inscrit dans le temps long.

Au moment où le Président de la République place l’école et la santé au cœur de la refondation qu’il souhaite, il y a urgence à stopper la dégringolade des résultats des élèves français dans les enquêtes comparatives internationales, de même qu’on ne peut attendre pour apporter des réponses à la crise de l’hôpital et à la fracture sanitaire provoquée par les déserts médicaux.

Mais, pour l’école comme pour la santé, l’égalité, à laquelle nos concitoyens sont attachés, devant la réussite par l’école et devant le droit à la santé demandera plus de temps qu’un, ou même deux quinquennats. La difficulté est dans le choix entre des mesures de court terme et ce qui relève du temps long. Le CNR peut être le lieu où se forge un consensus sur le partage de ces temps, où se construit l’alliance entre l’urgence et la perspective.

La sincérité de la méthode est la deuxième condition pour que le CNR soit reconnu comme un lieu de rassemblement. Il ne s’agit pas de créer une strate supplémentaire de consultation ou de concertation, évidemment nécessaires dans l’indispensable dialogue social, mais de rechercher le consensus républicain, sans lequel aucune grande réforme n’est acceptée. La refondation ne sera réelle que si elle mobilise l’ensemble des acteurs de la société – élus, organisations syndicales et professionnelles, associations représentant la société civile organisée.

C’est pourquoi le CNR doit s’implanter dans les territoires, mais ne pas se substituer aux organisations existantes, notamment syndicales, ni, bien sûr, au Parlement. Réceptacle de la diversité des préoccupations des citoyens, le CNR cherchera les pistes d’un consensus citoyen qu’il offrira au débat politique, notamment parlementaire, et deviendra ainsi un acteur du dialogue social.

Le rôle du Parlement en sortira renforcé par la recherche de compromis dont la voie sera ouverte par le consensus citoyen. Le travail législatif y gagnera en force, excluant les positionnements partisans et les propositions démagogiques qui détournent trop souvent les Français de la démocratie représentative.

La troisième condition est l’exigence dans les résultats. Trop souvent, nos concitoyens ne voient pas les résultats de l’action publique dans leur vie quotidienne et se méfient d’une concertation dont les travaux ne sont pas suivis d’effets – ou, pire encore, qui donne un vernis démocratique à des décisions prises d’en haut.

Le CNR doit pouvoir suivre la mise en œuvre de ses préconisations, leur évolution et ce qui en a été retenu, en ouvrant un dialogue avec les élus, qui, seuls, détiennent le pouvoir de décision. Cette démarche de dialogue entre démocratie participative et démocratie représentative nécessite la création et la pérennité du CNR.

La démocratie est en danger. De nombreux pays, même en Europe, sombrent dans les chimères entretenues par les régimes autoritaires. En France même, un nombre important de nos concitoyens, notamment parmi les jeunes, considèrent que la démocratie n’est pas le régime le plus efficace pour affronter les défis du monde et les problèmes de la vie quotidienne.

Il est urgent de renouer les fils entre les citoyens et la démocratie. L’initiative du Président de la République doit être une chance de lancer un nouveau souffle démocratique. Saisissons-la.

2 réponses sur « Le Conseil national de la refondation est une chance pour la démocratie »

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